ROMAINVILLE 93230 : Ci-après le courrier adressé aux conseillers communautaires d'Est Ensemble par Hélène ZANIER / "ASSOCIATION DES AMIS DE LA FORÊT DE LA CORNICHE DES FORTS "
Lettre ouverte à l'attention des maires et des conseillers territoriaux d'Est Ensemble
Romainville, le 12 novembre 2018
Mesdames, Messieurs,Vous êtes invités mercredi soir à un « débat » de positionnement sur la base régionale de loisirs de la Corniche des Forts de Romainville, Noisy, Pantin et Les Lilas en qualité de maire et de conseiller territorial d'Est Ensemble dans le cadre d'un conflit qui oppose la région et la ville de Romainville au collectif associatif et citoyen qui dénonce un projet destructeur, obsolète, incohérent, contradictoire avec les enjeux majeurs auxquels l'humanité est confrontée aujourd'hui.
Le réchauffement climatique à l'œuvre frappe déjà lourdement (inondations, sécheresses, épisodes météorologiques violents et meurtriers...) et menace encore plus fortement notre avenir.
Plus personne n'ignore le rôle des arbres dans l'équilibre du climat et leur capacité de lutte contre le réchauffement qui hypothèque la vie sur la planète. Les experts internationaux du GIEC nous alertent – et alertent tout particulièrement les responsables – sur les dangers de la déforestation et nous supplient de planter des arbres et des forêts pour tenter de sauver la vie sur Terre expliquant que la grande aventure de l'humanité est en train de s'achever en même temps que s'effondrent les autres formes de vie sauvage.
Les arbres sont notre assurance-vie-survie. Ils piègent le CO2, libèrent de l'oxygène et surtout rafraichissent l'atmosphère (un seul arbre équivaut à 5 climatiseurs).
Gérard Cosme, président d'Est Ensemble, vous appelle à ce débat « en réaction aux controverses». Mais non seulement cette réunion est prévue à huis-clos, secrète, mais elle se réduirait à une « présentation » unilatérale par la région du projet contesté quand aucune voix contradictoire ne sera là pour exposer les motifs du collectif associatif et citoyen … Cherchez l'erreur !
Répondant à une demande de la région, le préfet de la Seine-Saint Denis a conditionné le concours de la force publique pour expulser les opposants à une décision du juge des référés « mesures utiles » auprès de la juridiction administrative compétente. La région a donc saisi le juge des référés du tribunal administratif. Elle vient de perdre son référé, mais elle se prépare à gaspiller encore l'argent des contribuables pour faire construire une clôture en bardage de 1 600 m autour de la forêt pour continuer son travail de destruction, preuve qu'elle n'a pas davantage l'intention de vous écouter qu'elle ne nous a écoutés.
L'attitude uniquement répressive de la Région à l'encontre des citoyens, des associations, l'acharnement de la mairie de Romainville démontrent à l'évidence qu'elles ont décidé de passer en force sans tenir compte des oppositions d'élus, d'associations, des citoyens. (40 élus ont demandé un moratoire permettant de remettre à plat ce projet.)
Cette forte contestation est pourtant très relayée par les media, dans les réseaux militants environnementaux et autres et elle s'amplifie de jour en jour, de semaine en semaine.
Elle rencontre un très fort écho parmi les citoyens (22 000 signatures sur la pétition en ligne).
Les associations et citoyens mobilisés dénoncent la destruction incompréhensible et irresponsable de milliers d'arbres d'une forêt spontanée reconnue comme unique en Île de France, voire en France. Elles proposent avec les plus grands noms des professionnels du paysage et de l'écologie (Gilles Clément, Chris Younes, Pierre Rabhi, Patrick Bouchain et quarante autres personnalités) une réorientation de ce projet sans destruction et tenant compte des impératifs et urgences environnementaux, en particulier climatique.
De plus, cette forêt est habitée par de très nombreux animaux dont un grand nombre d'espèces protégées. À l’heure de l'effondrement plus qu'inquiétant de la biodiversité et du vivant en général, un arrêté de dérogation a permis de détruire de très nombreuses espèces protégées par la Loi. C'est inacceptable.
Depuis des années, les associations demandent à la Région de réorienter le projet et d'installer les équipements prévus sur les parcs existants aux alentours de la forêt (37 hectares de pelouses et de bois disponibles) faisant partie intégrante de la base régionale.
La base de loisirs est constituée de
- 37 ha de parcs constitués de pelouses et de parties arborées déjà ouverts au public ;
- 27 ha d'une forêt en son cœur.
Personne ne peut justifier la destruction d'une forêt pour la remplacer par une … pelouse (qui, de plus, existe à côté) !
Pas un mètre carré de plus d'espaces verts.
La communication de la région et de la ville de Romainville fait miroiter aux Romainvillois une « offre supplémentaire d'espaces verts », leur laisse croire qu'il pourront se promener dans la forêt. La réalité est tout autre. La forêt (ce qu'il en resterait) serait bien évidemment en dehors de la partie ouverte au public (les allées et les pelouses) et derrière des grilles. Il suffit pour s'en convaincre de regarder les illustrations des documents de propagande !
La forêt s'est développée sur une ancienne carrière de gypse (pour le plâtre) qui représentait une ressource stratégique.
Aujourd'hui, la ressource ARBRES est devenue STRATÉGIQUE.
Les associations et les citoyens ont été traités par le mépris ainsi que les plus grands noms du monde scientifique, du paysage reconnus internationalement. Leurs courriers sont restés sans réponse. Aucune négociation n'a eu lieu.
Les arrêtés officiels de déforestation et de comblement du sous-sol leur ont été cachés.
Les seules réunions auxquelles les associations ont été conviées - par les services de la région - se sont résumées à des « présentations » lénifiantes du projet qui ne tenaient aucun compte des contestations.
Les media ont fait leur travail et ont alerté l'opinion publique et la mobilisation s'est organisée.
C'est le choc de l'arrivée des bulldozers et des tronçonneuses hurlantes le 8 octobre au petit matin qui a signé la levée des citoyens, la montée en puissance de la mobilisation. Ils se sont levés pour hurler leur incompréhension, leur colère et leur peine face au spectacle bouleversant d'arbres de 40 m tombant comme des allumettes dans un fracas de branches arrachées. L'émotion des témoins étaient bien réelle quand ils ont vu les écureuils roux (menacés d'extinction)fuyant en panique.
Les citoyens ont dû s'engager physiquement pour faire cesser ce massacre.
Chaque jour, dès 7 h 30 du matin, ils se sont opposés aux engins jusqu'à obtenir l'arrêt de facto de la déforestation.
Les trois quarts des arbres condamnés à la destruction par le programme délirant de la Région sont aujourd'hui déjà détruits et des saignées à blanc balafrent cette magnifique forêt. Le comblement prévu avec un « coulis » ou « lait » de ciment va perturber très gravement la circulation de l'eau et contribuer, avec l'arrachage des racines qui maintiennent le sol, à la déstabilisation du reste de la forêt.
Aujourd'hui, les dégâts déjà infligés à cette forêt, notre patrimoine-vie commun, sont énormes ; mais si les zones massacrées sont protégées pendant quelques décennies, la nature pourra réparer ces saignées dans une dynamique végétale nouvelle et des arbres aussi beaux et précieux que ceux qui gisent aujourd'hui à terre pourront apporter leurs bienfaits aux générations futures.
Nous serons présents ce mercredi à Est Ensemble pour vous demander de comprendre et de défendre l'intérêt général supérieur des habitants de Romainville, des autres villes directement concernées par le projet de base de loisirs (37 hectares de parcs laissés à l'abandon), d'Est Ensemble, du département, de la région et au-delà.
L'intérêt général, qui n'est pas contradictoire avec l'intérêt particulier des habitants actuels de Romainville comme des futurs, se situe du côté de la sauvegarde des arbres et des forêts.
Et ici et maintenant, de la forêt de la Corniche des Forts à Romainville.
Nous vous rappelons que nous n'avons jamais remis en cause la création de cette base de loisirs régionale. Bien au contraire. Nous combattons un projet dépassé, en contradiction avec les enjeux surdéterminants actuels. Cette base, nous la voulons moderne. Être moderne, c'est être capable d'une vision de la réalité qui se profile. Et cette réalité impose de conforter notre patrimoine arboré.
Nous attendons de nos élus, à tous les niveaux, une attitude responsable qui n'obère pas l'avenir.
Nous serons évidemment très attentifs à votre positionnement.
Dans cette attente, nous vous prions d'agréer, Mesdames, Messieurs les maires et conseillers territoriaux, l'expression de nos salutations associatives les meilleures.
Hélène Zanier
présidente de l'association des Amis de la Forêt de la Corniche des Forts